"Connais-toi toi-même"

Que veut dire cette inscription au fronton du temple d'Apollon à Delphes ?

Comment interpréter le salut du dieu à son visiteur ?

"Connais-toi toi-même" veut dire "Sois sage" dit Critias. Mais que veut dire "Sois sage" ?

Dans l'Apologie de Socrate, Socrate propose cette interprétation:

« Que veut dire le dieu et quel sens recèlent ses paroles? [...] Je me rendis chez un de ceux qui passent pour être des sages. [...] C’était un de nos hommes d’État, qui, à l’épreuve, me fit l’impression dont je vais vous parler. Il me parut en effet, en causant avec lui, que cet homme semblait sage à beaucoup d’autres et surtout à lui-même, mais qu’il ne l’était point. [...] Tout en m’en allant, je me disais à moi-même : « je suis plus sage que cet homme-là. Il se peut qu’aucun de nous deux ne sache rien de beau ni de bon; mais lui croit savoir quelque chose, alors qu’il ne sait rien, tandis que moi, si je ne sais pas, je ne crois pas non plus savoir. Il me semble donc que je suis un peu plus sage que lui par le fait même que ce que je ne sais pas, je ne pense pas non plus le savoir. »

Une interprétation ne doit-elle pas toujours être elle-même interprétée ? Y a-t-il un terme à la chaîne des interprétations ?

 


Le Temple d'Apollon à Delphes

Platon
Charmide, ou De la sagesse, trad. Emmanuel Chauvet, Oeuvres complètes de Platon, Paris, 1869-1875

[Socrate s'entretient avec Critias sur l'essence de la sagesse. Critias a proposé une définition: est sage celui qui agit utilement avec modération. Ils viennent d'évoquer l'exemple d'un médecin.]

Socrate:

Donc, à ce qu'il me semble, puisqu'il [le médecin] agit quelquefois utilement, il agit avec modération, il est sage; et néanmoins il ne se connaît pas, il ne sait pas qu'il est sage.

Critias:

Mais non, Socrate, cela n'est pas possible ! Si tu crois que mes paroles aboutissent nécessairement à cette conséquence, j'aime mieux les retirer, j'aime mieux, sans rougir, avouer que je me suis exprimé inexactement, plutôt que d'accorder qu'on puisse être sage tout en ne se connaissant pas soi-même. Peu s'en faut même que je ne définisse le Sagesse comme la connaissance de soi-même, et je suis tout à fait du sentiment de celui qui a placé dans le Temple de Delphes une inscription de ce genre. Cette inscription est, à mon avis, le salut que le dieu adresse à ceux qui y entrent; au lieu de la formule ordinaire "sois heureux!", il pense apparemment que ce salut "sois heureux!" n'est pas convenable, et que les hommes doivent s'exhorter, non au bonheur, mais à la Sagesse. Voilà en quels termes, différents des nôtres, le dieu parle à ceux qui entrent dans son temple, si je comprends bien la pensée de l'auteur de l'inscription. Sois sage! dit-il à tout venant, dans un langage un peu énigmatique, comme celui d'un devin. "Connais-toi toi-même" et "sois sage", c'est la même chose; ainsi du moins nous le pensons, l'inscription et moi. Mais on peut fort bien y voir une différence, et c'est le cas de ceux qui ont gravé les inscriptions plus récentes: "Rien de trop" et "La caution mène au malheur". Ils ont pris la sentence: "Connais-toi toi-même" pour un conseil, et non pour le salut du dieu à ceux qui entrent. Et voulant montrer que eux aussi étaient capables de donner d'utiles conseils, ils ont gravé ces maximes sur les murs de l'édifice.



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