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Quelques thèmes de réflexion
Le langage n'est-il qu'un ensemble d'étiquettes sur les choses ?
Que représentent les femmes dans ce récit. L'auteur les méprisent-il ?
Que suggère la comparaison des
savants
avec les colporteurs ?
Mise en situation
Imposez-vous d'utiliser la nouvelle langue de Balvidar pour faire un petit discours sur un sujet de votre choix. Attention ! ne trichez pas !
Répondez ensuite à la question initiale : Pouvons-nous nous passer des mots ?
Jonathan Swift
Voyage à Balvidar , Les Voyages de Gulliver (1726)
uvres complètes, trad. É. Pons, Gallimard, La Pléiade,
1965
Nous passâmes ensuite à l'Institut des langues, où trois professeurs discutaient sur les moyens de perfectionner celle de leur propre pays.
Le premier projet était de rendre la phrase plus concise, en ne gardant qu'une syllabe des mots qui en comportent plusieurs, et en supprimant les verbes et les qualificatifs, puisque seuls les noms correspondent à des choses existantes en réalité.
L'autre proposait d'abolir tous les mots quels qu'ils fussent, car les santés y gagneraient aussi bien que la concision. N'est-il pas indéniable que chaque mot que nous disons contribue pour sa part à corroder et à débiliter nos poumons, et par conséquent à raccourcir notre vie ? On peut donc envisager une autre solution: puisque les mots ne servent qu'à désigner les choses, il vaudrait mieux que chaque homme transportât sur soi toutes les choses dont il avait l'intention de parler. Et cette invention se serait certainement imposée, pour le plus grand bien-être physique et intellectuel des gens, si les femmes, conjurées en cela avec le bas peuple et les illettrés, n'avaient menacé de faire une révolution. Elles voulaient conserver le droit de parler avec la langue, à la façon de leurs aïeux; car le vulgaire fut toujours le pire ennemi de la science. Nombreux sont cependant, parmi l'élite de la pensée et de la culture, ceux qui ont adopté ce nouveau langage par choses. Ils ne lui trouvent d'ailleurs qu'un seul inconvénient: c'est que, lorsque les sujets de conversation sont abondants et variés, l'on peut être forcé de porter sur son dos un ballot très volumineux des différentes choses à débattre, quand on n'a pas les moyens d'entretenir deux solides valets à cet effet. J'ai souvent rencontré deux de ces grands esprits, qui ployaient sous leurs faix comme des colporteurs de chez nous: quand ils se croisaient dans la rue, ils déposaient leurs fardeaux, ouvraient leurs sacs et conversaient entre eux pendant une heure, puis ils remballaient le tout, s'aidaient à soulever leurs charges et prenaient congé l'un de l'autre. Pour les conversations courantes, on peut se contenter d'accessoires transportés dans les poches ou sous le bras, et, chez soi, chacun dispose évidemment du nécessaire. Dans la pièce utilisée comme parloir, tous ont à portée de la main les mille choses utiles pour alimenter ce brillant type de conversation. Ce système comporte un autre avantage important, c'est d'avoir mis au point une sorte de langage universel, à l'usage de toutes les nations civilisées, car les différents outils et instruments y sont généralement identiques, ou du moins fort semblables, de sorte que leur mode d'emploi est compris de chacun. Aussi, les ambassadeurs seront à même de converser avec les princes étrangers ou leurs ministres, tout en étant complètement ignorants de leur langue.
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Autres interrogations
Une image vaut-elle mille mots ?
Peut-on mimer ne rien faire sans le dire ?
Une description peut-elle épuiser un lieu ?