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Saint Augustin
Temps - mémoire - anticipation
Confessions, Livre XI, ch. XXVIII.38,
trad. Péronne et Ecalle remaniée par P. Pellerin, Nathan,
1998.
Je veux chanter une chanson que je sais de mémoire ; avant que je commence, mon attente l'embrasse toute entière d'avance. Dès que j'aurai commencé, tout ce que j'en aurai prononcé se perdra dans le passé, et devient l'objet de ma mémoire. Cette action est donc distendue dans deux directions ; l'une est souvenir à l'égard de ce que j'ai dit, l'autre est attente à l'égard de ce que je dois dire encore. Cependant mon attention demeure toujours présente ; c'est elle qui doit traverser ce qui était futur, pour devenir passé. Plus mon action se continue et s'avance, plus aussi l'attente diminue, et le souvenir s'étend jusqu'au moment où l'attente sera toute épuisée, c'est-à-dire quand l'action tout entière, une fois finie, aura passé dans le domaine de la mémoire. Ce que je dis de la chanson entière, peut s'appliquer à chacune de ses parties et à chacune de ses syllabes; on peut le dire d'un chant plus étendu dont cette chanson ne serait qu'une parie ; on peut le dire de la vie entière d'un homme, dont chacune des actions n'est qu'une légère partie ; enfin on peut le dire d'un siècle tout entier de générations humaines, dont chacune des vies ne sont aussi que de véritables fractions.
Cet exemple va servir à illustrer la conception du temps comme "extension de l'esprit". Passé, présent et futur n'existent que dans l'esprit qui saisit les choses, s'en souvient et les anticipe.
L'attente présente est l'être du futur.
La mémoire présente est l'être du passé.
La conscience du temps est conscience du passage des êtres. Elle est une tension de l'esprit, écartelé entre l'anticipation de l'avenir et le souvenir du passé.
Par récurrence, Saint Augustin va appliquer la même analyse aux parties de plus en plus petites de la chanson, puis aux touts de plus en plus grands auxquels la chanson peut appartenir, jusqu'à englober l'histoire de l'humanité toute entière.