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Louis de Broglie
Matière
Le dualisme onde-particule
Louis de Broglie, Physique et microphysique
Textes de l'auteur
Que l'idée d'objets physiques doués en quelque sorte d'ubiquité heurte nos habitudes de penser les mieux ancrées, nous en laissons nos lecteurs juges...
L'une des conséquences les plus curieuses du développement des théories quantiques a été de nous révéler que les entités élémentaires de la matière ne sont pas entièrement assimilables à des corpuscules conçus à la façon classique: pour décrire et prévoir la manière dont ils peuvent se manifester à nous il faut invoquer tour à tour l'image des ondes et celle des corpuscules, sans qu'aucune de ces deux images soit à elle seule suffisante pour en obtenir une description complète. De cette dualité de nature des entités élémentaires que nous envisagions auparavant comme de simples corpuscules ponctuels, la théorie quantique actuelle déduit que leur évolution ne peut être réglée par un déterminisme rigoureux, tout au moins par un déterminisme que nous puissions atteindre et préciser: toujours subsistent dans nos connaissances à leur égard des «incertitudes» essentielles que nous n'avons aucun moyen d'éliminer. Cela ne veut pas dire cependant que nous ne puissions faire aucune prévision pour les phénomènes de l'échelle microscopique, mais les seules prévisions qui nous soient permises sont de nature statistique et s'énoncent dans un langage de probabilité. Nous ne pouvons plus désormais dire « à tel instant, tel électron se trouvera en tel endroit », mais seulement « à tel instant, il y aura telle probabilité pour qu'un électron se trouve à tel ou tel endroit ». C'est seulement à l'échelle macroscopique, quand nous avons affaire à des corps lourds (par rapport aux corpuscules élémentaires) que les notions classiques de la Mécanique, telles que position, vitesse, trajectoire, mouvement rigoureusement prévisible au cours du temps, redeviendront très approximativement valables. Les lois de la Mécanique cessent ainsi d'être applicables aux phénomènes élémentaires et doivent céder le pas à des lois statistiques. C'est seulement quand nous observons, avec une précision nécessairement limitée, des phénomènes à grande échelle que nous pouvons avoir l'illusion qu'il existe des lois mécaniques rigoureuses impliquant un déterminisme absolu.