La violence est cette impatience dans le rapport à autrui, qui désespère
d'avoir raison par raison et choisit le moyen court pour forcer l'adhésion.
Si l'ordre humain est l'ordre de la parole échangée, de l'entente
par la communication, il est clair que le violent désespère
de l'humain et rompt le pacte de cette entente entre les personnes où
le respect de chacun pour chacun se fonde sur la reconnaissance d'un même
arbitrage en esprit et en valeur. [...]
La violence se situe à l'opposé de la force, car l'énergie
qu'elle met en oeuvre est l'énergie du désespoir. [...] Toute
violence, par-delà le meurtre du prochain, poursuit son propre suicide.
Elle est en effet destruction de soi. [...]
Mais il arrive que le violent, une fois hors de soi, ne puisse à
nouveau se posséder. Il fait confiance à la violence, méthodiquement,
comme on le voit dans le domaine de la terreur, instrument jadis et naguère,
et aujourd'hui encore, de la fausse certitude. La violence se fait institution
et moyen de gouvernement : dragonnades, inquisition, univers concentrationnaire
et régimes policiers ; il a existé et existe encore une civilisation
de la violence, monstrueuse affirmation de la certitude qui rend fou, selon
la parole de Nietzsche. À travers l'histoire, les persécutions
et les guerres maintiennent le pire témoignage que l'humanité
puisse porter contre elle-même.
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